« c’est à dire » | texte de Frédéric Dumond
« c’est-à-dire * » | texte de Frédéric Dumond | à propos du temps de résidence du 14 au 18 novembre 2016, dans la classe UPE2A du lycée Follereau, à Belfort
il y a une attente
des visages, des corps, des gestes (quelques), retenus
d’abord retenus
toutes énergies contenues
des mots traversent, s’arrêtent, ne portent pas
d’autres résonnent, peut-être
pourtant rien n’est arrêté
rien ne transforme
pas encore
c’est une approche
de part et d’autre, c’est animal
des mots comme des odeurs qu’on sent, dont on ne sait que faire
avec quoi il faut faire
mais quoi
des bribes
de quelque chose qui n’a pas encore de forme
qui aura peut-être une forme
ou qui s’en approchera
jour après jour, ce qui est préparé se défait et se reconstruit
dans le réel de ces espaces
c’est-à-dire comprendre de quels espaces il s’agit, pour l’ensemble et pour chacun
comprendre qu’il y a des distances qui peuvent se résoudre
parce qu’il y a un temps, ensemble
ou qu’en tout cas
que quelque soit la distance — qui sera, de toutes façons — quelque soit ce qui se passe
cela n’empêche pas
en rien
qu’au contraire c’est parce qu’il y a distance que quelque chose pourra être
( sans distance, rien, si ce n’est du même )
un quelque chose issu des résistances, des questions et des relâchements, des enthousiasmes
et des temps de recherche, difficiles, quand alors on est dans la langue qui est encore un mur, une masse
qu’on n’arrive pas à prendre en soi
ce qui se fait alors : dissoudre la résistance, ne pas la nier — impossible, évidemment
alors elle devient matière
les temps où chaque langue se révèle (dans ses fragments) comme ce qui est un commun
c’est-à-dire cette émotion du sens qui est d’abord une musique
et qui de jour en jour devient palpable
devient cette matière d’abord chaotique
puis qui creuse des passages des uns aux autres
rien n’est dit de ce qui se passe, rien d’analytique, rien de distant (quelques commentaires, cependant de temps à autre, comme pour faire un point sur ce qui est)
et cela a lieu
chaque jour une matière instable, à peine formée, prend le temps et l’espace de la salle 107 à Follereau, et des deux salles annexées
et l’énergie des langues qui s’entendent et se travaillent, s’approchent, résistent aux habitudes
comment faire ce son d’avant le « a » de l’arabe, ce son qui s’entend comme un « k » mais qui est juste une fermeture d’air au fond du palais. comment manier cette succession de sons marquées par une suite « insensée » de consonnes en tchèque,
par exemple
quel sens à être (un peu) dans une langue qui restera autre ? oui, quel sens ? qu’est-ce qui se passe, ainsi, des uns aux autres, quelle(s) forme(s) s’approche(nt)
et puis
au bout de ces cinq jours,
la différence est devenue une matière volatile, un fluide qui nous traverse tous et qui est devenu le lieu même de la relation, exactement une manière d’être
d’être soi
et permettre en même temps à l’autre de s’approcher
frédéric dumond
(*) à propos du temps de résidence du 14 au 18 novembre 2016, dans la classe UPE2A du lycée Follereau, à Belfort